Succession à la tête du Cameroun : L’équation Emmanuel Franck Biya est-elle possible ?

►La persistance de la reconstruction du pouvoir personnel a tendance à faire émerger le fils ainé du président, comme successeur de son père à la tête de l’Etat, en dépit des vents défavorables qui soufflent et qui pourraient menacer la stabilité du pays.

 

A5 NEWS – C’est depuis la toile que la nouvelle est partie pour faire le tour du monde. Le Mouvement Citoyen des Franckistes pour la Paix et l’unité du Cameroun, vient donc d’entrer en scène. Objectif principal : « porter Emmanuel Franck Biya au pouvoir dans le strict respect de ses valeurs dont la probité morale». Le mouvement intervient sous forme d’un sondage de l’opinion sur une éventuelle candidature d’Emmanuelle Franck Biya à la présidentielle de 2025. La lancinante question qui taraude donc tous les esprits depuis lors est celle de savoir si un Biya peut succéder à Paul Biya au sein d’une république démocratique ? Et par quelle alchimie cela se ferait-il ?

 

 

La conservation du pouvoir

Difficile d’emblée de se faire un dessein sur la certaine et proche transition qui va s’opérer à la tête de l’Etat du Cameroun. Encore moins, sur la modalité du jeu de passage de témoin entre deux générations qui ont visiblement tout en sécant. Tant plusieurs forces endogènes et exogènes s’entrechoquent en vue de la conquête et du contrôle du fauteuil présidentiel. Cela est d’autant plus vrai que l’actuel locataire d’Etoudi, avec près de 40 ans de magistère au sommet de l’Etat, a fait de la conservation du pouvoir tout un art, au point ou personne n’a réellement jamais su bousculer son paisible repos à Etoudi.

Ni les indociles opposants, ni les incommensurables acteurs de la société civile, encore moins les interférences des puissances étrangères n’ont réellement pu prospérer dans le sens de pousser vers la sortie, l’homme du 06 novembre 1982. Au sein d’un état où près de 75% de sa population jeune est scolarisée.

La personnalisation du pouvoir

Au Cameroun, c’est sous le règne du président Paul Biya que le pays a vu souffler le vent de la démocratie. Une modalité qui a connu une vive opposition dans ses débuts, avant de se voir intégrer bien qu’avec ses variantes, dans un pays au sein duquel, la culture du chef est très encrée dans les traditions. Ici comme dans plusieurs régimes africains, les casquettes de Chef et celle de Chef d’État ne sont guère séparées. Les régimes démocratiques ont connu ainsi, jusqu’à nos jours, une mutation dans la dévolution du pouvoir. A leur tête se trouve placé un leader qui exerce effectivement le pouvoir et domine la vie politique. Cette personnalisation du pouvoir est nouvelle dans les démocraties continentales, mais bien inféodée dans les sociétés traditionnelles africaines.

 

 

Les analystes se retrouvent tous pour décrire des États africains faiblement institutionnalisés, où les hiérarchies résistent mal aux dynamiques personnelles, où le chef d’État fait cour, arbitrant les luttes factionnelles du bas en haut des institutions, court-circuitant les mécanismes formels de régulation. L’un des traits de ces régimes est une néo-patrimonialisation poussée. Comme l’illustre le procès intenté par Transparency International en 2008 à quelques présidents d’Afrique centrale disposant à Paris d’un patrimoine immobilier impressionnant.

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Succession ou alternance

Franck Biya peut il valablement remplacer son père Paul Biya à la tête de l’Etat du Cameroun? La question s’invite et s’installe dans l’opinion désormais ouvertement depuis l’annonce de ce scenario que très peu avaient vue venir. Du point de vue du droit, inéluctablement tout citoyen peut être candidat a une fonction élective à condition, bien évidemment, de remplir toutes les conditionnalités requises. Cette position est renforcée par le préambule de la constitution camerounaise qui énonce clairement que « l’Etat garantit à tous les citoyens de l’un et de l’autre sexe, les droits et libertés énumérés au préambule de la Constitution».

Il est certes vrai que parler de succession dans une communauté historique qui se proclame République ayant choisi la démocratie comme système de gouvernement peut paraitre très incongrue. D’où la position de certains observateurs de la scène publique camerounaise, à l’instar d’Alain-Didier Olinga qui pense que « le langage de la succession suppose immédiatement l’existence d’héritiers identifiables, ainsi que celle d’un patrimoine dont on peut hériter. D’un strict point de vue logique, l’on ne devrait pas hériter d’un individu qui n’est pas mort. Rigoureusement parlant, le lexique constitutionnel des républiques démocratiques ne connaît pas la notion de ” succession “, laquelle est propre aux États monarchiques organisés autour du changement en principe dynastique à la tête de l’État, la structure gouvernementale ayant quant à elle généralement une légitimité démocratique, adossée qu’elle est à une majorité parlementaire élue au suffrage universel».

 

 

L’équation à plusieurs inconnues

Le remplacement du chef d’État camerounais qui se profile à l’horizon, par un homme ou une femme issue du même parti, ou d’une simple succession ne renvoie probablement pas aux mêmes mécanismes politiques qu’une véritable alternance partisane. Et l’homme du 06 novembre soucieux de laisser un pays en paix, sait mieux que quiconque que l’instabilité et le pourrissement observés dans de nombreux pays, sont quasi-systématiquement toujours, la résultante, d’une mauvaise transition manqué. Et jeter son propre fils ainsi à l’ultime round sur la scène politique, semble suicidaire, et même contraire aux règles du jeu politique. A moins de longtemps à l’avance ce qu’on veut, avant de se lancer. Car se servir du fils pour remplacer le père, pourrait créer de vives contestations y compris dans les rangs de son propre parti, ou personne n’a souvenir de l’avoir vu aborder une seule fois en public, la tenue du parti. « Si Paul Biya voulait aider Franck, il y a longtemps qu’il l’aurait fait rentrer en politique et lui trouver un poste quelque part. Mais nous l’imposer de cette sorte à la dernière minute, c’est nous prendre pour des schizophrènes », a fait savoir un militant de l’organisation des jeunes du RDPC. C’est dire combien l’équation du mouvement des franckistes, qui semble avoir amorcé une vaste campagne de communication dans les réseaux sociaux, et soutenue par la France, selon certaines indiscrétions,  aura assez de mal à arriver au bout de sa vision.

 

© A5 NEWS  avec Afrique54.net

 

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