Revers de la prostitution : L’écrivaine Pulchérie Feupo sensibilise la jeune fille africaine
L’écrivaine camerounaise Pulchérie FEUPO, auteure d’un livre à succès « L’Âme meurtrie d’Anouck », présente son deuxième livre intitulé « Manon ou l’envers du décor » paru en janvier 2020 dans les éditions Spinelle. Dans ce roman relatant l’histoire d’une jeune fille adolescente, qui, à cause de la pauvreté, se laisse initier à la prostitution par un boutiquier pédophile. Pulchérie FEUPO sensibilise la jeune fille africaine sur les revers de cette activité émaillée par la cruauté humaine, ayant conduit cette fille courageuse vers une fin tragique parce ce qu’elle voulait sortir sa famille de la misère.
Lire l’interview accordée à Afrique-54.com.
Un an après la sortie de votre premier ouvrage « L’Âme meurtrie d’Anouck », vous signez votre comeback avec « Manon ou L’envers du décor ». Peut-on savoir comment le premier ouvrage a été accueilli…
Mon premier ouvrage a eu du succès bien au-delà de ce que je m’étais projeté. Je m’imaginais écrire pour une bande d’adolescents immigrés en mal de repères, et inconscients du cheminement interne et individuel qu’ils pouvaient entamer pour trouver un socle à leurs repères floués. Je me suis retrouvée avec un lectorat diversifié, de tout âge, de tous corps de métier, à qui ce livre a permis de faire ou de refaire le chemin de leur construction identitaire. Le plus flatteur a été de voir ce premier ouvrage classé par certains, dans la catégorie des livres de développement personnel. Ça a été un véritable succès.
De quoi traite cette nouvelle production littéraire ?
« Manon ou l’envers du décor » est un regard posé sur le difficile recul face à la pédophilie dans certains ghettos. C’est une histoire qui met en lumière les dérives présentes dans des classes sociales dites hautes, à travers le parcours d’une adolescente qui passe par la prostitution imposée et/ou choisie. C’est aussi un regard sur les désillusions d’un monde de luxure dans lequel les limites entre le bien et le mal se confondent. C’est surtout, une invitation au cœur d’un univers fait de misère, de convoitise, d’abandon, d’abus de pouvoir, d’espoir, de désespoir, de trahison, de pardon, de rêves réalisés et d’illusions perdues. L’histoire de Manon est une balade assez crue au milieu des scènes de vies et des situations à la fois troubles et confuses ; au milieu de la finesse des rencontres et de la cruauté parfois sans tabous qui entourent une certaine réalité.
Quel est le fil conducteur de cet ouvrage ?
« Manon où L’envers du décor » traite de la prostitution ouverte ou déguisée qui a le vent en poupe sur notre continent. Ce qui est ici abordée sans fioriture aucune, sans pincettes ni peur de blesser, mais dans une logique de pousser la jeunesse africaine actuelle et autre, à regarder de face ce que certain(e)s leurs offrent comme option de réalisation sociale, dans un déni complet de son contenu. C’est un désir de briser la glace, de pousser les familles, les parents complices de cette abomination, certes vieille comme le monde, mais qui n’en demeure pas moins une, à regarder en face ce qui se passe à l’intérieur ; ceci d’autant plus que certaines y sont plongées sans égards, à l’âge où elles pourraient encore jouer à la poupée.
Le personnage central de votre roman est-il réel ou relève-t-il de la fiction ?
« Manon » est un personnage créé à partir de plusieurs histoires, témoignages de vie recueillis tout au long de mon parcours professionnel. « Manon » est faite de plusieurs histoires anonymes qui ont donné naissance à cette ballade au cœur d’une rencontre avant tout, humaine, profondément humaine, et à ce prétexte pour questionner cette pratique qui semble obtenir plus de bravoure chez-nous, que le sens du travail nécessaire à un réel développement.
Dans votre interview accordée à la RTS, vous confiez au journaliste Jean-Marc RICHARD que vous écrivez pour établir des ponts entre les cultures. Pensez-vous avoir relevé ce challenge ?
Je pense que oui, en offrant d’une part, une lecture différencier des conditions quelques fois dramatiques pouvant être à l’origine de ce chemin pris. Et d’autres part, à travers les expressions propres aux Camerounais, ainsi que deux univers culturels distincts avec leurs codes propres. Par ailleurs, il y a cette mise en avant des artistes locaux lorsque Manon pénètre dans ce bar dancing ; c’est une invitation à prendre connaissance des mets, de cet univers des call box et autres lieux, façons de vivre, ce rapport particulier à l’émerveillement qui enchante Johanne. D’un autre côté, en confrontant les préjugés de Johanne face à l’illusion de la permanence des espaces verts en Afrique dont elle tombe des nues lorsque « Manon » va en faire la découverte dans les montagnes valaisannes… Bien d’autres situations encore plus cocasses à découvrir dans le livre.
Comment établissez-vous les ponts entre la culture camerounaise et celles d’ailleurs dans votre ouvrage Manon?
En introduisant Johanne dans sa famille, elle établit des ponts, en laissant Austen découvrir sa famille, elle établit des ponts…
L’actualité autour de la pandémie au Covid 19, vous semble-t-elle maintenir l’idée selon laquelle l’Europe, comme un eldorado pour les Africains ?
Certains personnages de ce livre perçoivent l’Europe comme étant un eldorado du fait de leur non-expérience de ce qu’englobe la migration. Pour ce qui est de cette crise humanitaire inédite, je déplore personnellement le fait que certains concitoyens ont pris sur eux de retourner au pays, sachant que le mot d’ordre est le « confinement » pour réduire les champs de contamination afin de gérer au mieux cette crise dans divers hôpitaux.
Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que l’immigré a généralement ce désir, si la mort devrait le surprendre, de mourir chez-lui, entouré des siens. Mais cette décision a par ailleurs trouvé son nid dans la masse de messages peu fiables distillés dans les réseaux sociaux, selon lesquels le Covid 19 ne survivait pas aux températures tropicales.
Dans votre ouvrage, la description que vous du personnage Malyse laisse quelque peu à désirer : « Marlyse faisait un mètre soixante-quinze ; elle avait un teint noir énène, une chevelure de Peuls, des traits raffinés, une bouche pulpeuse, le ventre plat… Est-ce une manière pour vous de traiter la question de l’infidélité de la femme à travers ce personnage ? Ou une manière de dire que la loyauté au féminin n’est pas une réalité dans ce monde ?
Absolument pas. Il était question de poser un cadre très humain, et de faire des liens avec finalement, les événements qui de manière consciente ou non, ont ouvert la voix à Manon vers ce chemin peu recommandable. Pour ce qui est de la loyauté au féminin, cela demanderait de questionner profondément de manière anthropologique les cultures africaines, pour établir des nuances entre régions et perception de ce mot à la fois au sens occidental et régional du terme. De la vertu ou du vice de Marlyse, à chaque lecteur/trice de se faire son idée.
Quelle est la plus-value qu’apporte à l’univers littéraire votre ouvrage ?
Une opportunité de sortir du déni en regardant en face la réalité ; une possibilité d’ouvrir le débat sur la route qu’est en train de prendre la jeunesse africaine, camerounaise en particulier, indépendamment du genre (masculin ou féminin), et de ce que les médias et réseaux sociaux semblent valoriser…
À qui s’adresse Manon ?
Manon s’adresse à un public large. Aux jeunes adolescents, adultes, accompagnateurs (trices), éducateurs, parents, femmes et hommes du quotidien…
Où trouver votre ouvrage ?
Il est distribué par les éditions Spinelle, disponible sur Amazon, à la FNAC, la plupart des libraires francophones inscrit sur le site Decitre. Et pour mes lecteurs camerounais, ne vous inquiétez pas, il sera, après cette crise humanitaire, disponible à la Fnac de Douala ainsi qu’à la librairie des Peuples Noirs à Yaoundé tous comme les livres pour enfant lancés il y a peu.
© Interview réalisée par Marcien Essimi ► Afrique-54.com