Adresse à la nation : Paul Biya évite les sujets qui fâchent
Comme il est de tradition, le chef de l’Etat Paul Biya, s’est adressé à la nation camerounaise le 31 décembre 2019, en se gardant de venter les mérites d’un gouvernement en panne d’inspiration.
Le président de la République s’est adressé le 31 décembre 2019, à la nation camerounaise. Comme il est de tradition, Paul Biya Chef de l’Etat depuis 37 ans, dont la parole s’est toujours faite rare, s’est acquitté d’un exercice dont il semble peu apprécier. Un discours bilan en 37 minutes, d’une année 2019 mouvementée. En dressant des perspectives d’une année 2020 pleine d’espoir. Contrairement aux précédentes adresses à la nation, le Chef de l’Etat camerounais s’est gardé de faire des éloges des prouesses de son gouvernement. Notamment sur des questions qui ont trait à l’emploi, à l’organisation des compétitions sportives africaines par le Cameroun, et à l’amélioration des conditions de vie des populations.
Une économie en nette récession
Le Cameroun comme de nombreux pays de la sous-région Cemac traverse une crise financière. Marquée par la rareté de l’argent dans le pays. Le Gicam, entendu Groupement Inter patronal du Cameroun, considéré comme la plus grande organisation patronale du pays, tire bientôt près d’un quinquennat, la sonnette d’alarme. Sur la situation économique du pays, frappée de plein fouet par un vent défavorable aux acteurs économiques. L’enjeu économique a donc toujours été au centre des discours de fin d’année de Paul Biya. Ce 31 décembre 2019, le président camerounais s’est contenté de vagues formules.
« Nous avons pu également observer que notre économie était en progrès mais il faut la conforter pour rester sur la trajectoire de l’émergence », a-t-il affirmé. Bien que dans les faits, chaque camerounais essaye de se représenter ce progrès, qui peine véritablement à se faire ressentir dans leur quotidien. « Certes j’ai pu m’acheter une moto à titre personnel pour l’activité de transport, reste que 2019 a été particulièrement difficile. Avec les pièces de monnaie qui ont disparu de la circulation. On aurait aimé que le président se prononce dessus. Ou encore sur l’avenir du Francs Cfa », confesse Jean Claude, conducteur de moto taxi dans la ville de Soa.
Les chantiers du président
Autre sujet qui fâche, que le président a soigneusement évité, celui de l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations. Avec notamment, ces chantiers de construction d’infrastructures sportives à problème. Qui ont d’ailleurs fait l’objet de nombreuses préoccupations au sein de l’opinion et relayées par la presse. Le glissement de la Coupe d’Afrique des Nations encore inscrit dans la mémoire collective d’un peuple dont le football est presque devenu une religion, semble encore être resté au travers de la gorge des plus de 25 millions de supporters, du pays de Samuel Eto’o.
« Celui qui avait déclaré que le Cameroun c’est le Cameroun avait parfaitement raison. Parcequ’il est inadmissible que le Président monte au créneau pour faire savoir que le Cameroun organisera la Can le jour dit. Et que par la suite, il vienne parler de glissement. Je me demandais bien de quoi parlerait-il cette fois en 2019 ? Je crois qu’après le glissement l’on s’achemine progressivement vers le glissement yobi yobi », nous confie cet étudiant. En clair, le Chef de l’Etat semble avoir sélectionné des morceaux choisis, pour s’adresser à la nation.
Ces statistiques si chères au président
La tendance qui voudrais que dans son adresse, le locataire d’Etoudi donne le plus de possible statistiques pour rassurer l’opinion, n’a pas été respectée cette année. Aucun chiffre pour illustrer le travail abattu par son gouvernement. Aucune statistique pour traduire la bonne santé économique, ainsi que les progrès relevés au cours de l’année écoulée. « J’ai trouvé très étrange que le Chef de l’Etat ne vienne nous faire l’étalage de chiffres dont lui seul peut nous démontrer. Je crois d’ailleurs que c’est sage de sa part d’éviter de croire que le peuple est dupe », déclare Vincent Meboma, maitre-parent dans l’arrondissement de Ngoyla.
Pour son 37ème discours du 31 décembre, le président de la République du Cameroun est bien conscient de ce que son peuple est bien au parfum des enjeux actuels. Coaliser avec lui afin laisser une image d’un bâtisseur qui aura posé les jalons d’une révolution profonde, semble désormais être l’option qui l’habite. Puisque chaque camerounais est désormais conscient de ce que les discordes dans Nord-ouest et le Sud-ouest depuis bientôt trois ans, le regain des assauts de la nébuleuse Boko Haram l’Extrême-nord. Tout comme le défi sécuritaire dans la région de l’Est, notamment sur la zone de la frontière avec la Centrafrique, ont de fortes chance d’être entretenus par des forces exogènes. Question de distraire le peuple des sujets de coopération, du franc CFA et donc de la monnaie, pourtant à l’ordre du jour. Pour cette indépendance totale appelée de tous les vœux depuis la période d’avant indépendance, par les pères fondateurs.
Par Thierry Eba / Afrique-54.com / AFRIQUE