Condamnée pour avoir tué et pillé l’or et le coltan du Congo, l’Ouganda a procédé à un premier paiement de 65 millions de dollars US au titre des réparations pour un peuple et un pays meurtris. Histoire et réflexions.

 

 

Le 23 juin 1999, la République démocratique du Congo, alors dirigée par Laurent-Désiré Kabila, a porté plainte contre le Burundi, l’Ouganda et le Rwanda à la Cour internationale de justice (La Haye), pour actes d’agression armée dans l’Est du Congo, et demandé l’obtention de réparations pour les destructions intentionnelles et les pillages, ainsi que la restitution des biens et ressources nationales dérobés au profit des Etats défendeurs respectifs.

Le 9 février 2022, la Cour internationale de justice (CIJ) a condamné Kampala à payer 325 millions de US dollars de réparations à la RDC, payables en 5 tranches de 65 millions de dollars, entre 2022 et 2026. Tout retard de paiement sera sanctionné de pénalités à hauteur de 6%.

Cet arrêt faisait suite à celui du 19 décembre 2005, établissant la responsabilité de l’Ouganda dans la violation du droit humanitaire et du principe de non recours à la force, lors de l’invasion du pays et de la guerre de 1998-2003.

 

 

 

Alors pourquoi seulement l’Ouganda? Eh bien, parce que le 15 janvier 2001, soit exactement la veille de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, la RDC retirait le Burundi et le Rwanda de sa plainte, laissant Kampala seule sur le banc des accusés.

La somme énoncée est supposée compenser, à hauteur de 225 millions de dollars, les 10.000 à 15.000 vies humaines perdues ou saccagées; le pillage de l’or, du diamant, du coltan, du café, du bois d’œuvre et les conséquences de l’exploitation forestière sur la faune et la flore pour 60 millions de dollars, et les dommages causés aux biens pour 40 millions de dollars.

La 1re tranche, d’un montant de 65 millions de dollars, a été effectivement payée par l’Ouganda le 1er septembre 2022, comme l’a confirmé le conseil des ministres de la RDC le 9 septembre 2022.

Cette somme est logée dans un compte transitoire du ministère de la Justice dans une banque locale, et ne pourra pas être décaissée jusqu’à la mise en route effective du fond spécial de réparation aux victimes et activités illicites de l’Ouganda en RDC.

L’ironie remarquable du sort est que l’armée ougandaise était de retour en RDC de novembre 2021 à mai 2022, mais cette fois aux côtés des troupes congolaises, pour combattre les miliciens sanguinaires de l’ADF (Allied Democratic Forces, affiliés à l’Etat islamique), qui sèment mort, violences et désolations au Nord Kivu.

 

 

Cette capacité de Yoweri Museveni, qui dirigeait déjà l’Ouganda au moment du déclenchement des hostilités en 1998, à s’acquitter des réparations financières, tout en menant une opération militaire conjointe avec les forces congolaises pour ramener la paix à l’Est de la RDC, est à saluer, tout autant que l’arrêt de la CIJ.

Cela doit aussi servir de leçon. Je le répète depuis des années: le combat pour l’émancipation et la dignité des peuples africains n’est pas seulement politique, militaire, diplomatique et économique. Il est également judiciaire.

Qu’attendent donc les Etats africains pour engager, devant les juridictions compétentes, des procédures en réparations contre les puissances coloniales et néocoloniales, qui ont décimé les populations et pillé le continent depuis des siècles, jusqu’à nos jours pour certaines d’entre elles?

Au vu de la durée de ces procès, et compte tenu des opportunités offertes par la situation géopolitique mondiale actuelle, il est urgent d’engager ces batailles. Ceux qui rechignent à le faire devront supporter d’être accusés de collusion avec l’ennemi d’hier et d’aujourd’hui.

 

 

 

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