Réflexion : « Unissons-nous, finançons, agissons pour mettre fin aux mutilations génitales féminines », Vanessa Moungar
Différents rapports indiquent que le phénomène a connu une résurgence à la suite de la pandémie de Covid 19, en particulier en Afrique de l’Est et de l’Ouest.
Cette année, seulement une décennie nous sépare de l’échéance des Objectifs de développement durable de l’Onu, fixée à 2030. Malheureusement, alors que nous nous approchons de cette étape importante dans le progrès de l’humanité, nous sommes en train de perdre la bataille contre un problème qui touche des millions de filles et de femmes dans le monde.
Selon les dernières données de l’UNICEF , plus de 125 millions de filles et de femmes de vingt‑neuf pays ont subi des mutilations génitales féminines (MGF), et cinq des pays où cette pratique est la plus répandue se trouvent en Afrique.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la mutilation génitale féminine comme la pratique de l’ablation partielle ou totale des organes génitaux féminins externes ou d’autres lésions causées aux organes génitaux féminins, pour des raisons non médicales.
Différents rapports (https://bit.ly/3q8Y3SC) indiquent que le phénomène a connu une résurgence à la suite de la pandémie de Covid‑19, en particulier en Afrique de l’Est et de l’Ouest. Les couvre-feux prolongés, les congés sans solde et les mises à pied ont restreint les déplacements, maintenu les familles confinées chez elles et réduit les perspectives de développement économique.
Les écoles, qui tiennent souvent lieu de refuge provisoire pour les filles ou les jeunes femmes issues de communautés pratiquant les MGF, ont fermé leurs portes, rendant les ex-élèves plus vulnérables aux pressions auxquelles elles sont soumises aux fins de leur faire subir cette épreuve supposée les rendre plus mariables. Certaines familles, confrontées à des difficultés économiques, considèrent la perspective d’une dot comme un encouragement monétaire à offrir leurs filles excisées, même à un jeune âge, comme épouses.
D’après des organisations militantes de la société civile, cette résurgence est également provoquée par l’absence d’un volet consacré aux mutilations génitales féminines dans les réponses contre la pandémie de Covid-19 dans les pays d’Afrique, ainsi que par le fait que le temps et les ressources ont été accaparés par la lutte contre la pandémie.
Alors que nous entrons dans la troisième décennie du XXIe siècle, il est évident que les mutilations génitales féminines perdent de plus en plus la faveur des populations dans les pays où elles sont pratiquées depuis des siècles. Par conséquent, le problème n’est donc plus d’ordre culturel : il se présente dorénavant sous les aspects des droits de la personne et de la santé, et même sur le plan économique.
L’OMS estime qu’en 2019, avant la pandémie, les coûts de santé pour les filles et les femmes ayant été victimes des MGF dans vingt-six pays d’Afrique s’élevaient à 1,4 milliard de dollars américains. Le nouveau calculateur du coût des MGF (https://bit.ly/3rCEmTz) de l’organisation indique que, si les mutilations génitales féminines se poursuivent au rythme actuel, leur coût annuel atteindra 2,1 milliards de dollars par an d’ici à 2048. Les progrès réalisés dans la lutte contre cette pratique risquent d’être effacés en raison de sa résurgence provoquée par la pandémie.
En d’autres termes, les mutilations génitales menacent les efforts déployés par l’Afrique pour améliorer la qualité de vie de ses habitants. Nous ne pouvons donc pas laisser cette résurgence se poursuivre.
Les mesures d’intervention de la Banque africaine de développement face à la pandémie de Covid-19 se sont traduites par des dizaines de millions de dollars versés aux pays membres régionaux et une partie de cette aide a été utilisée pour lutter contre les violences basées sur le genre. Par exemple, en Afrique du Sud, la Banque a renforcé les mesures mises en place par le gouvernement pour lutter contre les violences basées sur le genre et les féminicides, surtout grâce au développement d’un système intégré d’information sur la gestion des violences basées sur le genre et des féminicides.
Ces opérations sont conformes à la Stratégie du Groupe de la Banque africaine de développement en matière de genre (2021-2025) (https://bit.ly/3a3csKH), qui repose sur l’autonomisation des femmes et des filles. Nous pensons que les interventions communes pour mettre fin aux mutilations génitales féminines auront un effet transformateur pour les femmes et les filles d’Afrique, ce qui permettra à la planète de se consacrer à l’atteinte des Objectifs de développement durable des Nations unies.
Alors que nous célébrons le 6 février la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines, la Banque africaine de développement prend acte de la nécessité urgente d’éliminer totalement les mutilations génitales féminines. Les femmes et les filles ne peuvent pas pleinement atteindre leur plein potentiel économique et social si leur vie est mise en danger par cette pratique traumatisante.
L’édition 2021 de la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines a pour thème : « Le temps de l’inaction mondiale est révolu : unissons-nous, finançons, agissons pour mettre fin aux mutilations génitales féminines ». Nous appelons les pays africains à inclure les services de santé et les services sociaux dans leurs plans nationaux de mesures d’intervention face à la pandémie de Covid-19, la prévention des MGF et le rétablissement des filles et des femmes l’ayant subie en étant des éléments essentiels.
Nous demandons la mise en place de davantage de partenariats régionaux et nationaux qui prennent en compte les réformes législatives, le renforcement de la responsabilité nationale et la mobilisation des ressources en faveur des efforts de lutte contre les MGF. Les partenaires doivent également investir dans la rescolarisation des filles, notamment celles qui ont dû abandonner leurs études en raison d’un mariage ou d’une grossesse précoce.
Nous soutenons les opérations visant à éliminer la pratique des MGF qui se sont avérées efficaces, notamment celles intégrant des innovations technologiques dans les initiatives de surveillance et de communication des informations, surtout dans les communautés isolées.
Les MGF n’offrent, en termes de santé, aucun bénéfice aux femmes et aux filles, et elles sont reconnues internationalement comme une atteinte à leurs droits de la personne, à leur santé et à leur intégrité. Joignez-vous à moi pour « nous unir, financer et agir » afin de mettre fin aux mutilations génitales féminines.
Par Vanessa Moungar
Vanessa Moungar est directrice chargée du Genre, des Femmes et de la Société civile à la Banque africaine de développement