Entre poisson et « accord modèle » : comment Boris Johnson veut négocier le Brexit

 

Tordue et violente, sera la négociation pour gérer le Brexit avec Boris Johnson ! Tordue avec le poisson – pour diviser l’« Union », violente avec les discussions sur un « accord modèle » – pour aller vite en besogne, donc sans entrer dans les détails.

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Boris Johnson a promis un « Brexit fait » aux élections (Get Brexit done) et cela lui a réussi. Il veut ainsi continuer, en allant vite, en se basant sur des « modèles » de relations commerciales déjà conclus, canadien ou australien, avec l’UE. Mais comme on dira que la taille des « modèles » n’est pas la bonne, compte tenu de l’importance des échanges entre RU-Europe comparés à ceux entre Canada-Europe ou Australie-Europe, il lui faut frapper fort, en menaçant de partir. « Menacer à la Trump » sera verbal mais limité, au début. 13 700 milliards de dollars de PIB côté UE contre 2 800 côté RU, ce n’est pas USA (20 500) contre Chine (13 600). Il lui faut donc promettre une « concurrence non faussée ». Mais comme cela ne suffira sans doute pas, les promesses n’engageant que ceux qui les écoutent, il lui faudra « diviser à l’anglaise » : divide to rule. Négocier avec Boris n’est pas négocier avec Theresa : Michel Barnier, le négociateur européen, a dû s’apercevoir de la différence et se préparer. Divisons donc d’abord, se dit Boris. Parons, se dit Michel.
La discussion va commencer par une bataille de poissonniers, un point faible de l’Union européenne. Les eaux anglaises sont très poissonneuses. Les pêcheurs anglais se sont toujours plaints de ces pêcheurs européens non anglais qui avaient fait baisser de moitié leurs prises. Ils ont d’ailleurs voté Brexit ! Ces poissons britanniques satisfont les Hollandais amateurs de hareng et les européens qui préfèrent le saumon.

En fait, l’affaire concerne surtout l’Irlande qui tire le tiers de sa pêche des eaux britanniques. « Une calamité » selon Michael Creed, Ministre irlandais de l’Agriculture et de la mer, si cela devait cesser. Et son Premier ministre, Varadkar vend la mèche à la BBC en janvier : « Vous aurez peut-être à faire des concessions sur la pêche de façon à en avoir de notre part dans d’autres domaines, comme les services financiers ». L’idée est simple : l’industrie de la pêche pèse 0,1% du PIB britannique et la City 12%, contre 5% et 4% respectivement en Irlande. Faire pression sur l’Irlande pour qu’elle fasse pression sur les autres, mon Cabillaud contre votre City. Il fallait le trouver, sachant que les pêcheurs britanniques feront, de toute façon, les frais de l’accord ! Mais Michel a prévenu qu’il faudrait avoir conclu ce point fin juin !

La bataille des modèles vient ensuite, pour aller vite en besogne selon Boris. Car tout devrait être accepté (à l’unanimité côté européen : c’est là que l’on retrouve l’Irlande) et voté fin décembre. Le modèle canadien, 43 milliards d’importations européennes : Boris aimerait, mais il y a eu 7 ans de négociations ! A défaut l’australien : 13 milliards de dollars d’importations européennes, dont 5 vers le Royaume-Uni, autant de fait ! Mais la précision d’un accord d’échange est évidemment fonction de l’importance des volumes échangés. Entre RU et UE, du fait même des volumes, les exportations sont fonction de la complémentarité des filières. Ce sont 19 milliards d’euros exportés du Royaume-Uni vers l’Allemagne, avec beaucoup d’automobiles, puis 7 vers la Belgique, 3 les Pays-Bas et la France. Il sera difficile de faire entrer toutes ces différences dans un « modèle » déjà utilisé, et étroit.

Car les vraies barrières commerciales se trouvent « après la frontière » !

« Avant », on discute interdictions, quotas, tarifs, « après » on parle services, droits de propriété, normes, noms des Appellations d’Origine Protégée (feta ou prosecco). Et comme il y a plus de barrières « après » qu’« avant », on doit plus réfléchir à passer « après », pour passer « avant » ! La patience de Boris Johnson sera mise à rude épreuve, ce qui l’a poussé à prévenir du fait qu’il était prêt à quitter les négociations si elles n’avançaient pas his way. Mais la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, lui a déjà dit qu’il était impossible de signer un accord avant décembre.

Et ce n’est pas fini : attendons-nous à des débats de plus en plus tendus, jusqu’à ce que Boris menace de ne plus payer les frais du divorce, si l’accord n’est pas conclu. Ce à quoi l’Union menacerait de déclarer le Royaume Uni en faillite sur sa dette !
Les poissons vont voler bas !

 

Par Jean-Paul Betbeze l Betbeze Conseil 

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