Le président de la République du Cameroun Paul Biya a annoncé le mardi 10 septembre 2019 la tenue d’un “grand dialogue” national pour résoudre la crise séparatiste qui sévit dans les régions d’expression anglophones du pays.
Beaucoup avait appelé de tous leurs vœux une grande concertation au plus haut niveau, réunissant les fils et filles du Cameroun. C’est désormais officiel. Le mot est lâché par la plus haute autorité du pays. Un “grand dialogue national” est annoncé au Cameroun. Le président de la République Paul Biya a en effet annoncé mardi 10 septembre la convocation à la fin du mois d’un vaste conclave national. Conclave portant sur le conflit qui perdure entre des groupes séparatistes de la zone anglophone et les forces de sécurité. Dans un climat de crises plurielles, au moment où le régime a ouvert le procès du leader du Mrc et près de 200 de ses camarades arrêtés lors des marches dites pacifistes.
« J’ai décidé de convoquer, dès la fin du mois en cours, un grand dialogue national qui nous permettra (…) d’examiner les voies et moyens de répondre aux aspirations profondes des populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, mais aussi de toutes les autres composantes de notre Nation », a déclaré le chef de l’État, dans une adresse à la Nation retransmise sur les antennes de la radio et la télévision nationale. Et salué par les principaux partis de l’opposition, qui ont toujours suggérés la résolution de cette crise politique, loin du terrain militaire qui n’a fait qu’envenimer la situation.
Une crise qui perdure
C’est depuis novembre 2016 que les régions d’expression anglophones du Nord-ouest et du Sud-ouest sont confrontées à une grave crise sociopolitique, qui peine à trouver une issue au sein d’une population qui s’est toujours estimée marginalisée. Et depuis plus d’un an déjà, cette dernière a dégénéré en conflit armé entre soldats et séparatistes en lutte pour la création d’un État anglophone indépendant. Selon Human Rights Watch ces combats et les exactions de part et d’autre ont fait plus de 2 000 morts depuis début 2017, et forcé plus de 530 000 personnes à fuir leurs domiciles.
La conduite du dialogue
Plusieurs observateurs avisés auraient souhaité voir Paul Biya en personne, à défaut d’une figure emblématique de la société, présider ces assises. Lui qui, selon quelques-uns, à une claire connaissance, et ce, mieux que quiconque du problème anglophone. En plaçant le dialogue sous la présidence de son Premier ministre, Joseph Dion Nguté, lequel rassemblera les différentes composantes sociales, y compris des représentants des forces de défense et de sécurité, ainsi que ceux des groupes armés, Paul Biya voudrait jouer la carte de sa neutralité. Des supputations vont d’ores et déjà bon train sur le lieu qui abritera ce grand dialogue national pour un retour de la paix. En prélude à ces assises, le chef du gouvernement mènera de “larges consultations” et “des délégations (iront) dans les prochains jours à la rencontre de la diaspora”, a indiqué le président camerounais.
“On refait la tripartite”
Comme en octobre 1991, marquée par des villes mortes dans les principales villes du pays et des contestations de toutes sortes de l’opposition ainsi que de la société civile qui scandaient à la Conférence nationale souveraine. Paul Biya était monté au créneau pour annoncer une « Tripartite », présidée par le premier ministre d’alors Sadou Hayatou. La rencontre qui débouchait sur de grandes avancées dont, la modification constitutionnelle de janvier 1996, réunissait au Palais des Congrès de Yaoundé, pouvoir, partis politique et société civile. Une tripartite bien qu’ayant décrispé l’atmosphère, apparait aujourd’hui aux yeux de nombreux partisans, comme une manœuvre pour le pouvoir de Yaoundé, de repousser l’échéance de l’alternance.
Une sortie honorable de la scène politique
Le discours de Paul Biya a été prononcé alors que le pays est aussi confronté à une autre crise politique. En réitérant son offre de “pardon” aux séparatistes armés qui “déposent volontairement les armes”, mais promis à ceux qui s’y refuseraient de subir “toute la rigueur de la loi” et de “faire face aux forces de sécurité et de défense”. Ebranlé de tous les côtés, à l’intérieur comme à l’extérieur, le régime de Yaoundé rejoue la même symphonie, en appelant cette fois au grand dialogue national. Dans le même style, la même tonalité qu’on lui connait, Paul Biya apparait ce 10 septembre 2019, devant ses compatriotes pour les conviés à refaire la tripartite. Cette fois à travers un grand dialogue national, avec en toile de fond le pardon. Un pardon en direction de toutes les composantes nationales, notamment des populations des régions de la zone anglophone, de l’est, et du septentrion. Paul Biya entend donc ramener par cette voix la paix dans son pays et amorcer les marches d’une alternance tant souhaité par un peuple épris de paix.
Par Thierry Eba l Afrique-54.com l Afrique