Une dizaine d’hommes et femmes de médias vient d’actualiser leurs connaissances sur le sujet, à la faveur d’un atelier initié par l’Organisation Internationale pour les Migrations.
La question du retour des migrants ne renvoie pas seulement à la réalisation du retour en tant que tel, mais aussi aux intentions de retour et à la réinsertion après le retour. Elle peut donc se poser à plusieurs moments dans les trajectoires de vie des migrants, depuis le début de leur migration jusqu’à un éventuel nouveau départ pour l’étranger après le retour. Ces différents sujets liés au retour des migrants africains sont en réalité mal connus, notamment en raison de l’absence de données administratives dans les pays d’origine et de destination.
Cependant, des données d’enquêtes quantitatives et qualitatives contribuent à une meilleure connaissance du sujet. Le débat relatif à la migration de retour en Afrique a considérablement pris de l’ampleur sur la place publique a contrario, très peu d’études portent sur les retours de ces hommes et femmes. Pourtant cette problématique revêt un intérêt croissant auprès des décideurs politiques, aussi bien dans les pays de destination que dans les pays d’origine. Si les premiers multiplient les dispositifs pour encourager ou forcer ces migrants à retourner, les seconds visent plutôt le retour des personnes qui ont acquis des ressources humaines et financières à l’étranger, perçus comme de potentiels agents de développement.
Mais depuis l’intensification des traversées irrégulières sur la Méditerranée causant des milliers de perte en vie humaine, et du scandale déclenché par la diffusion sur la chaîne CNN de la traite des humains en Libye, avec à la clef, des contingents de retournés volontaires qui ont suivi, c’est un regard dégradant qui accompagne depuis lors la personne du migrant. Ici comme ailleurs, le migrant est perçu comme un être qui a raté sa vie, devenu un poids pour la société, et en quête perpétuel de mieux être. On pourrait mieux comprendre l’idée en filigrane d’actualiser les connaissances des hommes et femmes de médias, dans ce qui convient d’appeler la banalisation de la vie de la personne du migrant. Bien que l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) avec le soutien de l’Union européenne dans le cadre de l’initiative conjointe, aient choisi de mettre cela sous le vocable, formation des médias sur la migration. Projet dont on pourrait questionné l’impact réel dans la durée, cependant de l’avis de ce responsable du programme pour la sécurité et la migration à la délégation de l’Union européenne basée à Yaoundé rencontré, semble présenter un bilan satisfaisant: « Depuis juin 2017, cela fait 2 ans et quelques semaines que l’Union européenne donne de l’appui pour ce projet de retour et réintégration durable des migrants camerounais. Le projet est né dans une situation d’urgence, donc il fallait agir vite, et nous avons pour cela mobilisé un instrument d’urgence qui est le Fonds fiduciaire de l’Union européenne pour l’Afrique (EUTM). Il y avait à ce là moment beaucoup de migrants en détresse sur la route migratoire. Et il fallait vite proposer des situations de retour volontaires dans leurs pays, mais aussi pouvoir les réintégrer dans leurs sociétés et communautés d’origine. Donc, en 2 ans, nous avions tout d’abord une cible initiale de 850 migrants camerounais dont on aurait voulu faciliter le retour volontaire. En réalité, nous avons à la date de ce jour, plus de 3000 camerounais qui sont rentrés depuis 2017. Principalement du Niger, Lybie, mais aussi Algérie et d’autres pays de transit, pour lesquels nous sommes en train de mettre en place avec l’OIM qui est notre partenaire de ce programme des solutions de réintégration durables.»
Des études montrent par exemple, que l’intention de retourner vivre dans le pays d’origine en Afrique est souvent présente parmi les migrants, mais que la décision de retourner nécessite le fait d’être bien préparé afin de minimiser les risques, comme plusieurs recherches le soutiennent au sujet des Camerounais. Il a également été mis en avant qu’il n’y a pas que les migrants retraités qui retournent, mais aussi des migrants qui veulent investir dans leur pays d’origine. Cela a été démontré dans de nombreux pays. C’est le cas d’Arnaud Kuipo rencontré du côté du sixième arrondissement de la ville de Yaoundé, retourné au Cameroun il y a 7 ans déjà, aujourd’hui à la tête d’une association qui opère bénévolement pour venir en aide à ses compatriotes retournés : «Avec notre organisation nous apportons ce que les milliards ne peuvent octroyer. J’essaye d’apporter le réconfort moral ainsi que l’assistance aux compatriotes retournés en leur expliquant que le bonheur se trouve ici. Et moi j’en veux énormément aux médias, qui ne cessent de miroiter l’Europe comme cet eldorado pour les africains.»
Ces études mettent en avant le rôle des ressources que les migrants ont pu acquérir à l’étranger en termes de capital financier, humain et social pour leur réinsertion et soulignent qu’ils sont malgré tout confrontés à de nombreux défis à leur retour au pays. Des recherches ont également abordé les difficultés auxquelles sont confrontés les migrants africains qui n’ont pas choisi de retourner mais qui y ont été contraints.
La réinsertion après le retour ne s’avère pas évidente pour les migrants qui étaient en situation irrégulière en Europe, qu’ils aient bénéficié d’un programme d’aide au retour « volontaire », comme dans le cas des retours de la Libye, ou qu’ils aient été expulsés, abandonnant tout dans leurs pays d’accueil. Les retours contraints en raison des crises dans les pays de destination en Afrique peuvent aussi donner lieu à des expériences difficiles, comme l’ont révélé plusieurs chercheurs à propos des retours des migrants burkinabè de Côte d’Ivoire en 2006, de Boyer en 2016 et des migrants nigériens de Libye.
C’est à cet instant que le rôle des médias pourrait s’avérer crucial. Notamment sur la déconstruction d’un imaginaire collectif à la fois autour des migrations, spécifiquement, sur la personne du migrant, qui reste et demeure un être humain à part entière. Cela suppose que ces acteurs ont une claire connaissance des migrations. Tout en disposant d’outils actuels, nécessaires pour éclairer consciemment ou non, l’opinion. Pour Florence Kim, l’un des formateurs à cet atelier des 03 et 04 juillet à Yaoundé, par ailleurs Porte-parole du Bureau régional OIM de Dakar : «Les médias constituent un levier important dans la perception de ce que se fait l’opinion. Pour nous il était important que les journalistes aient cela à l’esprit, et soient plus méticuleux sur les terminologies qu’ils emploient, en appliquant par ailleurs rigoureusement les principes journalistiques. Parcequ’il faut se le dire, le journaliste a besoin d’être bien informé pour informer »
Les enjeux des mouvements migratoires constituent pourtant une fenêtre d’observation essentielle pour comprendre l’évolution du monde contemporain, les nouvelles relations internationales ainsi que les rapports de forces géopolitiques. Or à première vue, le tableau dominant masque toute la complexité des migrations internationales et notamment le caractère positif maintes fois démontré de la richesse et de la diversité qu’elles peuvent apporter.
Les différentes analyses et recherches consacrées aux migrations de retour en Afrique montre, dans des contextes variés, que la question du retour, abordée par le biais des intentions de retour, de la réalisation du retour et de la réinsertion après le retour, reflète les aspirations qu’ont les migrants ainsi que les contraintes auxquelles ils font face au cours de leur trajectoire, que ce soit au niveau familial, financier, professionnel.