Enquête sur la crise anglophone : Comment la France soutient les sécessionnistes au Cameroun
Après le Biafra au Nigeria il y a des décennies, c’est à travers les médias financés par son gouvernement que la France exprime son hostilité envers l’Etat du Cameroun et apporte son soutien aux «Ambazoniens ». Une triste réalité qui met à nu l’hypocrisie du Quai d’Orsay laissant entendre que la France est favorable au « respect de l’Unité et l’intégrité du pays.» Enquête et analyse.
Cette fois, la durée de la crise dite anglophone au Cameroun, oblige certains à tomber leurs masques. Tandis que certains médias locaux prennent la défense des institutions, des médias s’immiscent dans le face-à-face entre pouvoir de Yaoundé et les indépendantistes anglophones. De fait, établit d’emblée Françoise Mouyenga. L’enseignante au Centre de recherches et d’études politiques et stratégiques (Creps) de l’Université de Yaoundé II-Soa est convaincue que « le régime de Yaoundé se trouve en confrontation directe avec un ennemi qui a juré son anéantissement via les supports médiatiques ».
Si les mots ne l’expriment pas clairement, ils insinuent que derrière certaines productions éditoriales, se profilent les effets géopolitiques d’une volonté de déstabilisation du Cameroun. « Ces derniers temps, analyse sans fard Daniel Nkomba (internationaliste, consultant à la Fondation camerounaise Paul Ango Ela de Yaoundé) quelques titres français semblent avoir fait bloc pour donner une visibilité inouïe aux sécessionnistes anglophones. A travers leur phraséologie incandescente autour de la crise anglophone au Cameroun, la stratégie de communication de ces organes de presse consiste à créer un espace public, autant du moins que cela sert leur but ».
Quel est ce but ?
C’est bien là la question puisque pour la première fois depuis Libération, France 24, AFP (Agence France Presse), Le Monde ont clairement pris faits et causes des indépendantistes anglophones. « Par rapport à la situation dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, ces médias tiennent un discours échevelé et participent à criminaliser un débat d’idées camerouno-camerounais », assume le Pr Libert Ateba. Selon ce spécialiste en communication géopolitique, « tout cela n’est que le fruit de télescopages de l’actualité autour de la crise dite anglophone depuis fin juin de cette année avec des morts, des incendies et des attentats à répétition dans les zones concernées ou non».
Il ajoute que « ces médias ont compris qu’il y a un bon à jouer depuis cette date ». « Ce coup, renchérit le Dr Yvonne Asseng à Zang, se décline en une série de stratégies ciblées ». Parmi celles-ci, cette autre spécialiste en communication géopolitique cite surtout la logique déstabilisatrice à court ou à moyen terme.
Quai d’Orsay
De l’avis d’autres observateurs, le ministère français des Affaires étrangères (« contrôleur et propriétaire des médias sus évoqués est comme en position d’attente. Il adopte une attitude plutôt neutre, objective, ou du moins pas exagérément bienveillante à l’égard de la coalition séparatiste au Cameroun.
A cet égard, force est de constater que la crise anglophone est devenue une affaire d’autant plus « guettée » que le Quai d’Orsay a mis des moyens conséquents (à en croire Médiapart), contribuant de fait à forger le soulèvement. A un regard plus ténu vers l’orientation éditoriale, quelques lignes donnent des indices de la présence d’ «un Quai d’Orsay» noyé dans l’anonymat.
« Travail de fond »
Tirés de quelques publications récentes (AFP avec une interview accordée à Hans de Heungouop de l’Ong International Crisis Group ou encore un reportage de Patrick Fandio sur les derniers développements de la crise anglophones) constituent des exemples qu’une certaine presse de l’Hexagone travaille notamment à mobiliser la population et lui faire partager la stratégie révolutionnaire et indépendantiste anglophone.
« Dans l’ambiance précaire du Nord-ouest et du Sud-ouest, ces médias ont un rôle décisif en ce qu’ils servent de caisses de résonance à ceux qui défient le régime sur l’ensemble du territoire, ou du moins de grandes portions de celui-ci, et rend visible la population qui conteste la légitimité du pouvoir. Une grande attention est portée au « seuil critique » de personnes présentes dans la rue, celui au-delà duquel le pouvoir ne peut plus employer la force sans risque de faire couler le sang et aussi celui au-delà duquel le mouvement est considéré comme représentatif, voire « légitime », renseigne le Dr Missé Missé, enseignant de sociologie de la communication à l’Université de Douala.
Au regard de cette analyse, il s’agit pour ces titres et chaînes d’associer une bonne partie du peuple aux actions revendicatrices, de lui en faire partager l’esprit, de « disséminer » autant que faire se peut la « grande stratégie » décidée par les leaders de la « sécession » en faisant immanquablement écho dans leurs colonnes et antennes.
Le diplomate français Gilles Thibault perd la langue, le Quai d’Orsay réagit
« Excellence Monsieur l’Ambassadeur, quelle appréciation faites-vous du traitement par les médias français de la crise socio-politique dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest au moment où le France est accusée de soutenir les sécessionnistes camerounais? » C’est l’une des deux questions posées au diplomate, Gilles Thibault par La Voix Des Décideurs dans la correspondance N°: 0101 /DP /LVDD /17 qui date du 23 novembre 2017, qu’il n’a pas pu répondre jusqu’ici. Saisi par mail, le diplomate français est resté muet comme une carpe face au soutien français aux sécessionnistes camerounais qui se livrent aux actes de terrorisme.
Cependant, c’est après quelques semaines que le Quai d’Orsay qui a été informé de notre démarche, a réagi plutôt sur la question de la crise anglophone.
« Nous avons exprimé notre préoccupation après les incidents survenus en octobre dans les régions anglophones, qui ont fait plusieurs victimes. Nous avons par ailleurs condamné les crimes récemment commis contre les représentants des forces de l’ordre. Nous appelons l’ensemble des acteurs à la retenue et au rejet de la violence. Nous encourageons le règlement des tensions par le dialogue, en vue de répondre, de manière pacifique et concertée, aux préoccupations de toutes les parties dans le respect de l’Unité et l’intégrité du pays. Ce sont des messages que nous passons également autorités camerounaises. » Voilà la position officielle de la France et contraire à la ligne éditoriale des médias au
service de la politique extérieure de l’Etat français. Ce qui devrait accroitre la vigilance du peuple camerounais quand on sait qu’il y a ce qu’on appelle la diplomatie de guerre.
La Rédaction
« C’est par là qu’est insufflé le style de la contestation : original, coloré, humoristique. Une grande attention est portée aux actes et aux opérations coup-de-poing symboliques ainsi qu’aux appels à la désobéissance civile. Télévisions, radios ou journaux jouent alors un rôle crucial dans la dissémination du message qui se veut fort. Sans oublier le « travail » de transmission des nouvelles de la protestation. C’est un travail d’influence et de complot qui, bien sûr, existe !», argumente encore le Dr Missé Missé.
France 24 et la propagande séparatiste…
Un journaliste indépendant camerounais, ayant requis l’anonymat pense que, ces medias du paysage audiovisuel extérieur français (PAEF), s’illustrent « comme le porte-parole du gouvernement français ». Il critique le manque de professionnalisme de France 24 dans les derniers articles de France 24 sur la crise dite anglophone notamment celui intitulé « Cameroun : l’Ambazonie, la République fantasmée des séparatistes anglophones» et modifié le 16 novembre 2017.
Le confrère insiste et déplore surtout « le choix des mêmes sources d’informations et le déséquilibre dans le traitement de l’info ». « Un journalisme partisan au service de indépendantistes camerounais qui se livrent d’ailleurs au terrorisme», s’exclame-t-il avant d’avancer ironiquement : « Cet organe mérite une palme d’or pour sa propagande séparatiste au Cameroun ». « Pourquoi ces médias du PAEF ne soutiennent-ils pas aussi les mouvements séparatistes en France ou en Espagne ? », s’interroge-t-il.
S’il demeure moins aisé de le prouver, il reste néanmoins vrai que c’est aussi dans ce contexte d’affrontement de mondes de valeurs et d’intérêts géopolitiques, qu’il faut appréhender la façon dont une partie de la presse française couvre ce qu’elle se plaît souvent à regarder comme un second vent de liberté soufflant sur le Cameroun. En donnant par exemple la parole aux « révolutionnaires anglophones », on peut sincèrement se demander si la couverture n’est pas tout évidemment partisane de la part de ces médias, désormais parties prenantes dans un environnement sociopolitique perçu comme extrêmement délicat.
À l’idée qui n’admet que des points de passage entre le discours et l’activité sociale, on peut alors opposer que le discours médiatique d’information n’est pas avant tout tributaire de la compétence de ceux qui le font et de ses logiques de production (normes et imaginaires professionnels, pratiques sociales des journalistes, « ficelles du métier », conditions de travail, pressions de l’urgence, contraintes économiques, évolutions technologiques, rapports de force internes, etc.) ; qu’il ne se réduit pas à une simple configuration médiatique dans un système d’interaction discursive, combinaison de compromis en vue d’une compatibilité maximum avec les cadres courants partagés par le plus grand nombre de communautés réceptrices, mais qu’il est l’émanation d’un cadre normatif de rapports de forces sociales, historiquement déterminé.
Au-delà de la scène…
Voilà qui soulève un rideau et montre les coulisses implacables des rédactions de Libération, Rfi, France 24, TV5 Monde, et AFP. « Elles reçoivent quotidiennement des « thèmes », ces fax ou ces emails envoyés à leur directeur, leur indiquant quoi dire ou écrire, de façon détaillée. Ces instructions sont anonymes, mais tout le monde est certain qu’elles émanent des équipes du Quai d’Orsay comme cela s’est souvent passé ailleurs », renseigne Victor Ankou, journaliste ivoirien basé à Cannes (France).
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A prendre les mots et leurs sens, il n’est pas osé de croire que ces médias français suivent la ligne « préconisée ». « Comme avec ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire, la donne actuelle oblige à des ajustements. Depuis un certain temps, il semble clair qu’une partie de la presse française est en lutte pour renverser le des régimes en place. Elle se comporte donc le plus souvent comme n’importe quelle presse d’opposition. Mais, dès lors qu’elle s’intègre à une stratégie indépendantiste, bien définie et consciemment adoptée, elle modifie ses façons de faire, d’autant que les médias, à travers leurs directeurs, responsables d’antenne ou journalistes, entretiennent des rapports plus qu’étroits avec les organisateurs de la contestation, hommes politiques et activistes. Dans cette manœuvre, diverses équipes tenu leur rôle : contenir le choc probable d’une thématique sociopolitique, susceptible de compromettre la structure évolutive de leur agenda », avance Victor Ankou.
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Cette analyse ou plutôt ces analyses sont à mon avis, d’une pertinence inouïe. J’ai eu des frissons quand j’ai vu le reportage du journaliste Fandio de France 24 au sujet de la crise anglophone au Cameroun. J’en ai d’ailleurs enregistré une copie d’archives. C’est clair que le Quai d’Orsay n’est pas exempt de tout reproche dans cette communication alambiquée des médias Français à propos de la crise anglophone au pays de Paul Biya. Cette page prise de position de ces médias vis-a-vis du pouvoir de Yaoundé, est récurrente depuis un certain nombre d’années, du moins depuis 2011, lorsque l’actuel président Camerounais qui est au début de sa 36ème année de règne sans partage, avait décidé de ne pas lâcher du lest. Ce style de communication avait aussi prévalu avec l’arrivée de Boko Haram au Cameroun.
Mais on a envie de dire que c’est bien fait pour ce gouvernement Camerounais qui matraque les journalistes nationaux au quotidien travers le Conseil National de la Communication (CNC), du moins ceux qui sont des empêcheurs de tourner en rond. Vous avez dit, déontologie professionnelle !
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